Chang Shuhong est un peintre chinois d’origine mandchoue, né en 1905 à Hangzhou. Aussi célèbre en tant que « gardien des grottes de Dunhuang » pour son travail dans la documentation, la préservation et la promotion de ce site archéologique et des œuvres d’art découvertes en son site. La vente du tableaux Les Deux Soeurs au Salon a battu des records lors de la vente aux enchères organisée par Mercier & Cie à Lille.
Biographie de Chang Shuhong
En 1911, la révolution de Xinhai a supprimé la rente héréditaire mandchoue et ce descendant d’officier militaire a été poussé vers la peinture par la nécessité d’aider financièrement son foyer. Chang Shu Hong, enfant, dessine et peint des cartes postales pour les vendre, ces illustrations lui donnant le goût du dessin et des arts. La chute du Régime Impérial a libéré les artistes chinois des contraintes esthétiques propres à leurs traditions millénaires, permettant l’introduction et l’influence de la culture étrangère occidentale, notamment française.
Après des études à l’école industrielle de la province de Zhejiang, de teinture et de tissage, il en sort diplômé en 1923 et y devient professeur deux ans plus tard d’enseignement des beaux-arts.
Il part ensuite à Lyon et travaille pendant plus de 10 ans comme interne de l’Institut franco-chinois, où il rencontre d’ailleurs sa première femme. Il apprend conjointement le tissage à l’Ecole communale de tissage de Lyon, et la peinture à l’huile à l’Ecole des beaux-arts, sa vocation de prédilection. Il reste attaché à l’Institut franco-chinois de Lyon jusqu’en 1935 mais part en 1932 pour intégrer l’Ecole nationale supérieures des Beaux-Arts de Paris.
En France, il est un artiste très actif qui participe aux nombreux salons, expositions et manifestations artistiques ; dans lesquels il est plusieurs fois primé. Chang Shuhong est d’ailleurs un des premiers artistes chinois dont le gouvernement français a acquis les œuvres pour enrichir les collections des musées nationaux comme ceux de Lyon ou Paris, notamment Portrait de Shana, La Famille du peintre et Femme Couchée.
Il entend parler du site archéologique des grottes de Mogao de Dunhuang chez un bouquiniste parisien et se prend d’intérêt pour ce sujet lorsqu’il découvre les grandes collections de travaux artistiques exposés au Musée Guimet qui ont été retrouvées là-bas. Il repart donc en 1936 en Chine pour se consacrer à leur étude, et occupe de nombreux postes d’administration et d’enseignement, notamment à l’Institut National d’Art de Pékin. Il continuait jusque-là à exposer ses œuvres mais s’éloigne de ces activités dès 1942, pour prendre la direction du premier Centre national de recherches sur Dunhuang, sans finalement s’arrêter vraiment de peindre.
En 1945, sa femme Chen Zhixiu quitte Dunhuang, leur mode de vie rural qui ne lui plaît plus et Chang Shu Hong, et laisse leur fille qui grandira auprès de son père et des grottes de Mogao avant de devenir elle-même une artiste de renom.
Les œuvres d’art de Chang Shuhong et sa servitude envers le site archéologique le et les rendirent célèbres en Chine particulièrement, en plus de sa renommée obtenue à Paris et à Lyon. Il est d’ailleurs nommé en 1964 « gardien des grottes de Dunhuang ».
L’art et l’artiste
Parti en France pour découvrir et apprendre la peinture occidentale, à la recherche d’un art universel, il participe avec d’autres artistes au renouvellement de la société, unissant art traditionnel chinois et techniques occidentales.
Son séjour en France lui apporte un grand enseignement et influence fortement son art. Les professeurs des Beaux-Arts de Lyon prodiguent l’enseignement du dessin d’après nature, l’analyse des perspectives, les clairs obscurs, le plein-air et la représentation du réel en privilégiant l’être humain et le modelé. Aussi, si les sujets religieux ou profanes sont communs aux deux cultures, le nu est restreint en Chine au genre médiocre de l’érotisme alors qu’en Occident c’est un thème en soi, qui s’étudie d’après des modèles vivants. Ainsi la part de l’homme dans l’univers paraît plus importante aux yeux d’un européen qu’aux yeux d’un asiatique qui lui préférera la magnificence d’un paysage, sa beauté discrète ou l’infini de la nature.
Il s’épanouit néanmoins véritablement dans la découverte du site et des peintures murales du Dunhuang, qu’il fait chez un bouquiniste parisien. Il y trouve la réponse à sa quête d’identité et consacre le reste de sa vie à le protéger, le faire revivre et transmettre l’art de la peinture traditionnelle en contribuant au développement d’un nouveau style artistique national, à la croisée de l’oriental et de l’occidental, comme le montrent le style de ses œuvres, telles que les Deux sœurs au salon ou Fille de la rue.
Progressiste, il appartient au groupe de jeunes artistes remis en lumière lors de l’exposition de 2011 du musée Cernuschi sur les « Artistes chinois à Paris 1920-1958 » qui voyagent en France pour apprendre la peinture occidentale. Il fonde d’ailleurs avec Lü Sibai, Liu Kaiqu et Xu Beihong l’Association des artistes chinois en France, après avoir été récompensé, notamment d’une médaille d’argent pour la présentation de Portrait de Madame G. et Habillage après la douche au Salon de Paris.
L’œuvre vendue par Mercier & Cie
Deux sœurs au salon est une huile sur toile réalisée en 1936 par Chang Shuhong, signée et datée en caractères chinois et latins. Le tableau représente deux jeunes femmes, vêtues des robes en soie chinoise à la mode des années 30, se relaxant dans un salon au style asiatique.
Cette toile a été redécouverte lors de notre vente aux enchères Mercier, puisque le tableau n’avait pas été vu depuis son exposition au Salon des artistes français de 1936, où elle avait gagné une médaille d’argent. Cette distinction est remarquable puisque, comme le souligne l’expert Marc Ottavi, assisté par Mme Li Ting Hung, c’était la « première fois que le tableau d’un étudiant chinois ou asiatique y était ainsi honoré ». C’est aussi l’une des dernières productions de Chang Shuhong en France, puisqu’il repart en Chine la même année.
Elle associe les deux cultures, européenne dans le sujet, la pose, les attitudes et l’huile sur toile, et la culture asiatique pour l’ignorance de la perspective au profit de la mise en valeur du près et du loin, pour une représentation supérieure à la simple matérialité, ou encore à l’absence de contours appuyés.
En 2018, Les Deux sœurs au salon sont donc reparties pour la Chine, après une adjudication de 4.8 millions d’euros bien supérieure à l’estimation de 100 000/150 000 euros, grâce à l’achat d’un collectionneur chinois, après un duel d’enchères contre l’un de ses compatriotes de Hong Kong.